Épilogue
Les adieux
Il se mouvait comme une ombre rapide et silencieuse dans la maison endormie. Sa maison. Si l’un des domestiques l’apercevait, il penserait que c’était le maître qui était rentré après une longue absence.
Mais personne ne le vit lorsqu’il gravit l’escalier à pas de loup, poussé par le besoin impérieux de la posséder, d’étancher la soif qui le dévorait. Même à cette distance, il sentait son cœur battre à l’unisson avec le sien.
Ses mains se mirent à trembler. Il avait hâte d’en finir, hâte de chasser cette obsession de son esprit, de respirer librement, de se détendre. De se débarrasser de cette insatiable sensation de faim.
Il allait l’emmener avec lui, et ils resteraient ensemble... jusqu’à la fin des temps. Il la rendrait immortelle, comme lui. Elle était son destin... depuis toujours et pour toujours.
Il se tenait à présent sur le seuil de sa chambre. Non pas qu’il hésitât... mais il prenait le temps de savourer le pouvoir d’attraction qu’elle exerçait sur lui et celui plus puissant encore qu’il exerçait sur elle. Il savait que l’amour qui les unissait était suffisamment fort pour qu’il puisse la soumettre, si grands que soient ses pouvoirs.
Allongée sur le côté, vêtue d’une fine chemise de mousseline qui laissait ses bras et ses seins nus, elle baignait dans la lumière bleutée d’un rayon de lune, sa longue chevelure brune étalée sur l’oreiller. Ses yeux fermés étaient comme deux trous d’ombre.
Il entra et sentit les battements de son cœur – le cœur de Victoria – puiser dans tout son être. Sa respiration se fit plus profonde, plus lente, lorsqu’il songea au soulagement qu’il allait être le sien lorsqu’il plongerait ses crocs dans sa chair. La chair de son amour éternel.
Victoria attendait. Elle savait qu’il allait venir, et quand Max et Eustacia avaient proposé de la raccompagner chez elle, elle avait refusé. Elle avait renvoyé Verbena, et donné congé aux autres domestiques jusqu’au lendemain.
Elle voulait être seule lorsqu’il viendrait.
Lorsqu’il frôla le bord du lit, elle eut l’impression qu’elle et lui respiraient d’un même souffle, à l’unisson. Elle ouvrit les yeux et le regarda.
C’était Phillip... son cher Phillip. Elle tendit la main vers lui et il se laissa tomber sur le lit.
Il l’embrassa, la toucha, abaissa les bretelles de sa chemise de nuit, et elle le laissa faire. Elle voulait savourer cet instant de désir, de réconfort.
Tout à coup, elle perçut un changement. Un souffle rauque montait de sa gorge, son pouls déchaîné vibrait en écho dans tout son corps, tandis qu’une lueur rose s’insinuait dans ses yeux. Lorsqu’il releva la tête, ses crocs d’un blanc terne jetèrent un éclat mortel.
Mais sa voix était toujours la même. Familière, affectueuse, c’était celle de Phillip.
— Victoria, ma chère épouse, murmura-t-il... comme la première fois. Je vais être très doux... et au bout d’un moment vous n’allez ressentir que du plaisir. Nous serons réunis à jamais. Victoria, mon destin.
Quand ses canines commencèrent à gratter doucement sa chair à la jonction du cou et de l’épaule, elle se raidit... soupira et ferma les yeux.
Sa main glissa sous le drap et se referma autour du pieu de frêne.
— Je vous aimerai toujours, Phillip, dit-elle. Puis elle le transperça.
Lorsqu’elle rouvrit les yeux pleins de larmes, elle aperçut une silhouette sur le seuil de la chambre.
Max. Debout dans le clair de lune, il tenait un pieu à la main.
— Je l’ai suivi.
— Je savais qu’il viendrait.
Il baissa la tête, puis la regarda à nouveau.
— Vous l’avez sauvé. Vous l’avez arrêté à temps.
— Je l’espère.
Réprimant un soupir , elle ajouta :
— Vous aviez raison, Max.
— J’en suis désolé, dit-il, et pour cela aussi.
— Vous aviez raison, je ne suis qu’une femme sans cervelle.
— Non, Victoria. Vous êtes une Vénatore.